L'Armée des ombres 4K : le chef-d’œuvre de Jean-Pierre Melville sur la Résistance (en UHD et Blu-ray)

Note artistique : (5/5).

Synopsis :

En 1942, Philippe Gerbier, ingénieur des Ponts et Chaussées, est également l'un des chefs de la Résistance. Dénoncé et capturé, il est incarcéré dans un camp de prisonniers. Alors qu'il prépare son évasion, il est récupéré par la Gestapo mais s’évade du siège de la Gestapo à Paris, où il doit subir un interrogatoire sur ses activités de résistant. Il rejoint son réseau à Marseille et exécute le traître qui l’a dénoncé. Mais la Gestapo veille et bientôt Philippe est à nouveau arrêté…

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Titre original : L'Armée des ombres
Support testé : UHD
Genre : guerre, drame
Année : 1969
Réalisation :Jean-Pierre Melville
Casting : Lino Ventura, Simone Signoret, Paul Meurisse, Jean-Pierre Cassel, Paul Crauchet, Claude Mann, Christian Barbier, Serge Reggiani
Durée : 2 h 23 mn 37
Format vidéo : 16/9
Format ciné : 1,85/1 (HDR 10, Dolby Vision)
Sous-titrage : français
Piste sonore : DTS-HD MA 2.0 monophonique français/allemand
Bonus : édition limitée Digipack avec l’UHD du film et le Blu-ray du film - livret (32 pages)
Bonus sur l’UHD : Jean-Pierre Grumbach, dit Cartier, dit Melville...résistant et cinéaste, entretiens avec Philippe Labro et Samuel Blumenfeld par Dominique Maillet (2024, 39 mn 40)
Bonus sur le Blu-ray : L'Armée des ombres... Le Dessous des cartes, documentaire de Dominique Maillet (1 h 27 mn 09) - Jean-Pierre Grumbach, dit Cartier, dit Melville...résistant et cinéaste (2024, 39 mn 40)
Éditeur : StudioCanal

Commentaire artistique

Présenté en édition restaurée 4K au Festival de Cannes Classics en 2024, L’Armée des ombres, écrit et réalisé par Jean-Pierre Melville en 1969, méritait bien une sortie sur support UHD, car c’est un film exceptionnel sur la Résistance et un chef-d’œuvre indiscutable de son auteur. Le film est librement adapté du roman « L’armée des ombres » publié par Joseph Kessel en 1943 qui y faisait décrire par un chef de réseau, Paul Gerbier, divers destins individuels de résistants sous l’Occupation. Surtout réputé pour ses films noirs aux héros mutiques et solitaires, Jean-Pierre Melville, qui fut lui-même résistant, avait déjà consacré deux autres films mémorables à cette période de tragédie et d’exaltation qu’il avait vécue dans sa jeunesse : Le Silence de la mer (1947) et Léon Morin, prêtre (1961). Sur l’auteur et sur son film, les suppléments et le livret donneront quantités d’informations critiques et techniques passionnantes (dont cf. intervention du directeur photo Pierre L’Homme, disparu en 2019). L’Armée des ombres ouvre sur une scène reconstituée saisissante et inoubliable de la Wehrmacht défilant au pied de l’Arc de triomphe qui donne le ton de la réalisation et annonce les témoignages de tous ces morts en sursis qui vont participer à cette évocation sans fard de la Résistance. Très vite, le style Melville est à l’œuvre qui décrit les divers protagonistes comme des individus sans remord engagés dans l’action. Le récit est soutenu par d’excellentes comédiens, dont Lino Ventura (Paul Gerbier), Simone Signoret (Mathilde) et Paul Meurisse (Jean-François Jardie), qui incarnent des archétypes inspirés de figure connues comme Jean Moulin, Lucie Aubrac, Pierre Brossolette, Jean Cavaillès (livres supposées être écrits par Jardie), etc. Loin de la reconstitution minutieuse hyperréaliste, n’hésitant pas à recourir à des « découvertes » (décor vu en découpe d’une porte ou d’une fenêtre) artificielles et à des trucages simplifiés (travelling sur des photos, figurant masqué jouant De Gaulle), Jean-Pierre Melville applique à son film une stylisation visuelle épurée qui ne compromet jamais l’intensité de l’action. Tout l’art du cinéaste est de donner un rythme temporel inhabituel à son tournage, avec de nombreuses séquences qui prennent leur temps (cf. exécution du traitre, scène de l’ambulance, etc.) et qui, même sans action, ni dialogues, donnent au spectateur le luxe de ressentir les émotions. Malgré la dureté de Jean-Pierre Melville envers ses acteurs, dont un incroyable différent avec Lino Ventura qui empoisonna le tournage (à cause d’une scène de train dans Le Deuxième souffle) et une attitude peu amène pour Simone Signoret, L’Armée des ombres demeure un des meilleurs films jamais tournés sur la Résistance. Outre la rigueur de sa mise en scène, le film brasse de nombreux thèmes profondément humains et particulièrement sensibles durant cette période troublée, comme la trahison, la lâcheté, la camaraderie, la solitude. Outre l’intensité du roman de Joseph Kessel, Jean-Pierre Melville nourrit son film de sa propre expérience de la clandestinité et de la menace sourde, sans jamais céder pour autant au mélodrame ou au stéréotype. Ses partis pris sont étonnants : résistants assimilés à des spectres, des morts en puissance, peu de nazis à l’écran, rares citoyens ordinaires, récit quasi onirique. Outre son casting d’exception, L’Armée des ombres a bénéficié du talent de Pierre L’Homme qui a su satisfaire pleinement les exigences du réalisateur en gommant toute tentation chromatique vive, en tournant un film presque monochromatique avec des choix ciblés pour les teintes des costumes et des décors et en jouant de la lumière et de l’obscurité qui symboliseront nazis et résistants. Grosse superproduction des années 70, L’Armée des ombres est sorti dans une période de contestation sociale antigaulliste qui l’a desservi car le film a été assimilé à une œuvre marquée politiquement. C’était mal la comprendre, car ce film rare et fascinant, dans lequel Jean-Pierre Melville avait beaucoup mis de sa jeunesse éprouvée, demeure l’un de ses plus beaux longs métrages. Vision glaciale de l’Occupation et peinture d’une Résistance avec la noirceur d’un polar implacable, L’Armée des ombres est un film bouleversant qui doit être vu ou revu dans cette nouvelle copie restaurée en 4K.

Commentaire technique

Restauration 4K effectuée à partir du négatif original 35 mm et du négatif son. L’image scannée en 4K par L’Image Retrouvée a été étalonnée et nettoyée numériquement afin d’effacer les imperfections présents sur les éléments originaux. Cette restauration a été réalisée par l’équipe de Studiocanal, Sophie Boyer et Jean-Pierre Boiget avec le soutien du CNC

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Image : copie UHD, très belle définition et excellent piqué sur les visages et les textures des costumes, grain argentique discret, organique et homogène (tournage en 35 mm, Master Format 4K restauré 2023), copie fort bien nettoyée et stable, maitrise des contrastes en HDR10 qui restitue parfaitement les éclairages clair-obscur de Pierre L’Homme, qui utilisa des sources artificielles (prison, planque, maison) et naturelles (tombée du jour) avec une intention symbolique (lumière pour les nazis et ombre pour les résistants), étalonnage plutôt froid tirant sur le magenta, le grisâtre et le bleu, colorimétrie aux teintes naturelles sans vivacité à la limite du monochrome et tons désaturés, excellente compression

Son : mixage français/allemand 2.0 monophonique, dialogues clairs sans distorsion, léger souffle, excellente dynamique sur les ambiances d’action (tirs, véhicules divers, train, etc.) et sur les musiques d’Éric Demarsan et de Morton Gould