Les Nibelungen (Siegfried - La Vengeance de Kriemhild) : une œuvre monumentale de Fritz Lang (en Blu-ray)
Note artistique : (5/5)
Synopsis
Siegfried : fils du roi Siegmund des Nibelungen, Siegfried se rend à Worms à la cour du roi des Burgondes Gunther pour obtenir la main de la princesse Kriemhild. Il tue un dragon dont le sang le rend presque invulnérable. Le roi Gunther promet la main de Kriemhild à Siegfried si celui-ci l’aide à obtenir celle de la reine Brunhild, mais découvrant qu’elle a été trompée, celle-ci envoie Hagen de Tronje tuer Siegfried. La princesse Kriemhild jure de se venger…
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La Vengeance de Kriemhild : Kriemhild épouse le roi des Huns Etzel (Attila), et invite son frère Gunther et Hagen à célébrer la naissance de leur fils. Lorsque Hagen apprend que les Huns ont tué ses guerriers, il assassine le bébé. Kriemhild poignarde Hagan avec l'épée de Siegfried et se fait ensuite tuer par Hildebrand.
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- LE BLU-RAY
- Titre français : Les Nibelungen : Siegfried - La Vengeance de Kriemhild
- Titre original : Die Nibelungen: Siegfried - Kriemhilds Rache
- Support testé : Blu-ray
- Genre : film muet, drame, fantastique
- Année : 1924
- Réalisation : Fritz Lang
- Casting : Gertrud Arnold, Margarete Schön, Hanna Ralph, Paul Richter, Theodor Loos, Hans Carl Mueller, Rudolf Klein-Rogge, Erwin Biswanger, Bernhard Goetzke, Hans Adalbert Schlettow, Hardy von Francois
- Durée : 2 h 28 mn 46 - 2 h 10 mn 01
- Format vidéo : 16/9
- Format ciné : 1,33/1 Noir et Blanc teinté
- Sous-titrage : français
- Pistes sonores : DTS-HD MA 5.1 et 2.0 musique de Gottfried Huppertz
- Bonus sur le Blu-ray de Siegfried : Malheur au peuple qui a besoin de héros, à propos des Nibelungen, documentaire de Bernard Eisenschitz, historien et spécialiste de Fritz Lang (2007, 20 mn 31) - Les Nibelungen, analyse de séquences par Louise Dumas, critique de cinéma (2024, 60 mn 09)
- Bonus sur le Blu-ray du film La Vengeance de Kriemhild : Les Nibelungen, échos de leur temps, analyse des références historiques par William Blanc, historien (2024, 30 mn 44) - L'Héritage des Nibelungen, documentaire de Guido Altendorf et Anke Wilkening (2011, 66 mn 31)
- Éditeur : Potemkine Films
Commentaire artistique
Lorsque Fritz Lang se lance entre 1922 et 1924 dans la conception de son œuvre monumentale, Les Nibelungen, il est un réalisateur reconnu de la société de production UFA (Universum Film AG) pour laquelle il a réalisé Les Trois Lumières (1921) et Docteur Mabuse le joueur (1922). Il a épousé en août Thea von Harbou, comédienne devenue scénariste, qui va écrire le scénario de Les Nibelungen en évitant toute allusion directe au cycle d’opéras de Richard Wagner composés entre 1849 et 1876. Le film réunira quatre univers différents, le conte, le monde nordique, la cour stylisée des Burgondes et la terre sauvage des Huns, et sa musique sera composée par Gottfried Huppertz. L’intrigue se réfère donc à la source originale de la « Chanson des Nibelungen », un récit médiéval nordique du XIIIe siècle qui sera considérée à partir du XVIIIe siècle comme une épopée nationale célébrant la construction de l’Allemagne et, plus tard, détournée comme telle, par les nazis. La charge nationaliste forte de ce poème ne pouvait être ignorée ni de Fritz Lang, ni de Thea van Harbou dont le film est dédié au peuple allemand. Ce contenu patriotique affirmé et manifeste, qui reflète le contexte de sa production durant la République de Weimar (cf. analyse intéressante de William Blanc donnée en bonus) est renforcée par ses thèmes (poignard dans le dos, peur des Juifs et des Huns, etc.) et sa symbolique visuelle (héros athlétique blond, mort d’Alberich montré comme un stéréotype du juif, barbares présentés comme des noirs, etc.). Ce contenu discutable, qui doit être nuancé, n’enlève rien à la puissance évocatrice de la réalisation qui va user des moyens offerts pour sublimer une mise en scène qui s’appuie sur les derniers acquis techniques, notamment en matière d’éclairage avec de véritables scènes de nuit. Les Nibelungen, superproduction hors du commun la plus chère de l’époque, est colossale à plus d’un titre. Pour satisfaire aux exigences artistiques de Fritz Lang, près de six mois sont nécessaires à la fabrication des décors spectaculaires d’Otto Hunte et Erich Kettelhut, inspirés de tableaux symbolistes et romantiques, et des costumes magnifiques créés par Paul Gerd Guderian. Une forêt artificielle haute de neuf mètres et un dragon de 17 mètres de long aux mouvements réalistes animés par une dizaine d’hommes forts sont fabriqués. Filmés avec plusieurs caméras par Carl Hoffmann et Günther Rittau aux studios de Babelsberg, le tournage débute en octobre 1922 et s‘achève, en présence de la presse, par l’incendie du palais d’Attila en 1924. Avec Siegfried, Fritz Lang peut enfin illustrer tout l’aspect magique qui était impossible à montrer au théâtre et à l’opéra : lutte avec le dragon, invisibilité d’Alberich, mer de flammes, arbre en fleurs devenant un crâne, etc. La Vengeance de Kriemhild, partie plus belliqueuse et moins fantastique, va moins plaire au public (et être « oubliée » par les nazis) : pourtant c’est l’occasion pour le cinéaste de prouver sa capacité à diriger des scènes grandioses avec foule de figurants (orgie, siège). Dans Les Nibelungen, le dénominateur commun des deux parties est le code de l’honneur archaïque avec son respect du serment au nom duquel agissent et interfèrent tous les personnages : cet enchaînement tragique inéluctable qui semble fascinant dans Siegfried se révèle absolument détestable dans La Vengeance de Kriemhild où il est constaté que ce même état d’esprit court au cataclysme. De quoi tempérer toute critique faite au nom d’une idéologie contestable qui serait défendue par Les Nibelungen : la complexité de ce chef-d’œuvre esthétique, avec sa mise en scène admirable, surpasse de loin l’analyse simpliste et manichéenne faite a posteriori, une fois la récupération nazie entérinée. En attendant un jour une édition UHD 4K de ce monument du cinéma, cette édition de qualité assure une vision optimale de Les Nibelungen restauré.
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Commentaire technique
La restauration par la Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung (2010) a permis de ressortir ce chef-d'œuvre dans une copie 35 mm avec une qualité proche de celle d’origine et utilisant la technique de coloration de l'époque du cinéma muet. Le long travail de restauration de plus de quatre ans a nécessité la collecte mondiale de 18 éléments sur 30 000 mètres de pellicule qui ont été examinés image par image.
Bien que le film ait largement circulé, ni le négatif 35 mm de la caméra, ni les copies d’exploitation d’époque n’ont permis de retrouver de version allemande complète. La restauration photochimique s’est faite à partir des négatifs originaux incomplets, et les parties manquantes ont été prélevées dans diverses copies d’exploitation et de sauvegarde. Ainsi c’est dans une bobine de la Fondation Deutsche Kinemathek de Berlin que le seul plan intact de la mort de Kriemhild a été préservé.
La coloration a eu lieu dans un second temps, au moyen de la technique originelle du virage qui consiste, après développement d’une version noir et blanc, à plonger le film dans un bain colorant. Tout le film a été teinté en orange excepté la séquence de rêve de Kriemhild faite en animation (papier découpé) par Walther Ruttmann et coloré en lavande.
Les intertitres allemands ont été restaurés numériquement sur la base de copies préservées et des intertitres flash. Les intertitres réintégrés portent le logo de la Fondation Murnau. Au cours de la mastérisation HD, la fixité d’image a été corrigée et les dommages importants, retouchés.
Image : copie HD, excellente définition dont le piqué varie en fonction des éléments utilisés, toujours remarquable quand il s’agit du négatif 35 mm originel, texture argentique fine et homogène (tournage en 35 mm, Master Format 2K), copie propre même si certains défauts persistent (rayures, taches), magnifique contraste, image lumineuse et détaillée en basse lumière, étalonnage chaud avec une colorimétrie monochromatique orangée restituant la teinture d’origine choisie pour atténuer le contraste appuyé de la pellicule et mieux restituer la transition entre les hautes et basses lumières
Son : mixage musical 5.1, dynamique impressionnante sur la partition majestueuse et épique originelle de Gottfried Huppertz arrangée par Frank Strobel et Marco Jovic, ampleur spectaculaire de l’orchestre symphonique dirigé par Frank Strobel, spatialisation ouverte avec des effets surrounds qui permettent à la formation orchestrale d’occuper tout l’espace, LFE solide
Notre avis
Image : (4,5/5)
Mixages sonores : (5/5)
Bonus : (4/5)
Packaging : (3/5)
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IMDb
Siegfried : https://www.imdb.com/title/tt0015175/
La Vengeance de Kriemhild : https://www.imdb.com/title/tt0015174/
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