Le Golem : un film phare de l’expressionnisme allemand (en Blu-ray, DVD et VOD)

Note artistique : (4,5/5) 

Synopsis 

À Prague, au XVIe siècle, le rabbin Loew, philosophe et magicien, donne vie à une colossale statue de glaise, le golem. Grâce à lui, il obtient du roi que les juifs ne soient pas chassés de la ville. Mais le golem se révolte contre son créateur...

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- LE COMBO BLU-RAY/DVD

• Titre original : Der Golem, wie er in die Welt kam
• Support testé : Blu-ray
• Genre : muet, fantastique
• Année : 1920
• Réalisation : Paul Wegener et Carl Boese
• Casting : Paul Wegener, Albert Steinrück, Ernst Deutsch, Lyda Salmonova, Hans Stürm, Max Kronert, Lothar Müthel, Otto Gebühr
• Durée : 1 h 16 mn 08
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,33/1 Noir et Blanc teinté
• Sous-titrage : français (intertitres en allemand)
• Pistes sonores : DTS-HD MA 2.0, musique au choix d’Admir Shkurtaj & mesimer Ensemble, Wudec ou Stephen Horne
• Bonus : combo avec le Blu-ray du film (76 mn) et le DVD du film (73 mn) - Les Légendes du Golem par Ada Ackerman, chercheuse au CNRS et commissaire d'expositions (2024, 20 mn 39) - Le Golem au cinéma par Ada Ackerman (2024, 28 mn 25) - Du Golem à l'Homme-Machine par Michel Faucheux, historien des idées (2024, 37 mn 22) - vidéo comparative entre le négatif allemand et le négatif dédié à l'export (22 mn 15)
• Éditeur : Potemkine 

Commentaire artistique  

Le Golem, réalisé en 1920, est le troisième film, mais le seul conservé, que l’acteur et cinéaste Paul Wegener a consacré à la créature artificielle mythologique juive, avec Le Golem (1915) et la comédie Der Golem und die Tänzerin (1917). C’est durant le tournage à Prague du film L’Étudiant de Prague (1913), dans lequel il tenait le rôle principal, qu’il eut connaissance de la légende du Golem. La présentation captivante d’Ada Ackerman (cf. bonus), avec son luxe de détails pertinents, montre comment la légende juive du Golem aux origines multiples a largement dépassé le mythe philosophique et religieux de la créature de glaise animée par la puissance du Verbe (le nom de Dieu en hébreu), allégorie formulée plus précisément au XVIe siècle, pour  devenir cet être fantastique moderne dont se sont emparés, en vrac, le folklore yiddish, les complotistes de droite, la littérature (« Frankenstein » de Mary Shelley), les jeux vidéo et le cinéma. En 1915, l’écrivain autrichien Gustav Meyrink publie son roman fantastique et kabbalistique « Le Golem » qui se déroule dans le ghetto de Prague et connait un énorme succès : si le scénario du film Le Golem n’adapte pas directement ce roman, cette publication a certainement influencé indirectement ses auteurs, Henrik Galeen et Paul Wegener. Le récit raconté dans le film est cependant plus conforme à la légende conçue par Juda Loew ben Bezalel, élu Maharal (maitre et rabbin) de Prague en 1597 qui inventa une créature capable d’être animée par le mot hébreu EMET(H) (sur un parchemin placé sur sa poitrine) pour devenir le défenseur muet de la communauté juive mais qui va se révolter contre ses créateurs. C’est Paul Wegener lui-même, acteur à la stature impressionnante, qui incarnera le Golem, et Albert Steinrück qui jouera le rabbin Loew, celui qui va animer la créature avec l'aide de son assistant (Ernst Deutsch). Mais le Golem va éprouver l’attrait de Myriam (Lyda Salmonova), la fille du rabbin qui s’est éprise du chevalier Florian (Lothar Müthel), émissaire de l’empereur Rodolphe II (Otto Gebühr). Salué comme un des films majeurs du cinéma expressionniste allemand, l’un des tous premiers avec Le Cabinet du docteur Caligari (1920) de Robert Wiene, Le Golem réunit les spécificités de ce mouvement artistique : les décors suggestifs aux courbes étonnantes d’Hans Poelzig, architecte, peintre et artiste renommé de l’architecture expressionniste, l’éclairage aux ombres contrastées magnifiquement saisies par la caméra du directeur de la photographie Karl Freund (qui réalisera aux USA en 1934 La Momie avec Boris Karloff), les personnages hors du commun aux attitudes maniérées (le Golem avec son mutisme et ses expressions faciales) et aux costumes évocateurs  (coiffure « égyptienne » du golem, coiffes du rabbin magicien et de son entourage), l’atmosphère sombre et fantastique de l’intrigue. Les décors construits en trois dimensions à échelle réelle, les effets spéciaux sobres, les mouvements habiles de caméras, le noir et blanc teinté et le découpage efficace de l’histoire, contribuent à la qualité artistique de ce film précurseur. Si Le Golem est ancré dans la mythologie religieuse juive, ses grands thèmes comme la tolérance, l’amour et la rédemption ont une portée plus universelle. Parfois taxé d’antisémitisme, en raison de sa description tranchée d’un ghetto juif, fermé et peuplé de vieillards miséreux, et d’une cour chrétienne animée de jeunes gens riches, Le Golem dépeint plutôt une population juive unie et courageuse face à des chrétiens dédaigneux et lâches. Comme il a été justement observé, la réalisation de Paul Wegener n’est pas exempte de scènes équivoques : la sorcellerie satanique de la création du Golem ou sa neutralisation par une petite fille chrétienne. Le Golem a laissé une forte empreinte cinématographique : James Whale l’a vu et étudié avant de réaliser son Frankenstein en 1933 (posture raide de la créature, prise de conscience de son existence et instinct de survie, rencontre avec une fillette). Film muet, Le Golem était accompagné à l’origine par la musique symphonique composée par Hans Landsberger : considérée comme perdue, elle a été redécouverte et interprétée au Deutsches Nationaltheater de Weimar le jeudi 3 septembre 2020. Néanmoins sur le Blu-ray, ce sont trois partitions nouvelles, de styles très différents, qui sont proposées : celle d’Admir Shkurtaj & mesimer Ensemble (une musique pour orchestre de chambre, jouée lors de la présentation de la restauration à Venise), celle de Wudec (musique électronique composée par l'artiste polonais) et celle de Stephen Horne (solo de piano par un artiste spécialisé dans l’accompagnement des films muets en Angleterre). Dernièrement, le réalisateur Giannis Veslemes a composé une nouvelle musique originale qui a été jouée en direct le 10 mars 2023 au 25e Festival du documentaire de Thessalonique. Chef-d’œuvre du cinéma expressionniste, Le Golem est bien plus qu’un film fantastique et peut-être analysé comme un film majeur avec ses nombreuses strates d’interprétation.

Commentaire technique

La Restauration

Il n’existe pas de version allemande récente du film Le Golem qui corresponde à la toute première version du film. La restauration du film a été faite à partir des meilleurs négatifs images conservés par la Cinematek (Cinémathèque Royale de Belgique). Une version américaine faite en 1921 avait été fortement raccourcie. En 1995, le négatif d’exportation 35 mm a fait l'objet d'une restauration photochimique à la Cineteca di Bologna, au Filmmuseum Munich et à la Fondazione Cineteca Italiana, grâce à des copies provenant de diverses archives. En 2003, la Friedrich Wilhelm Murnau Foundation a effectué un travail numérique sur cette restauration pour la sortie en DVD.
En 2018, c’est le négatif provenant de Cinematek à Bruxelles, qui était probablement destiné à l'origine au marché allemand, qui a servi de base à une restauration numérique 4K réalisée par la Fondation Friedrich Wilhelm Murnau et Cinematek. Cette nouvelle version est la plus authentique des versions existantes. La reconstruction du film a été faite avec l’aide du musée George Eastman et de la Cinémathèque française. La plupart des intertitres originaux proviennent de Gosfilmfond en Russie. La colorisation a été réalisée d’après une copie italienne de la Fondazione Cineteca Italiana.

Bonus : Pour Le Golem, deux négatifs originaux 35 mm ont été montés : l'un pour l'exploitation en Allemagne et l'autre pour l’exportation à l’étranger. En général, deux caméras étaient placées l'une à côté de l'autre et filmaient simultanément en parallèle ce qui fait que si l'action est la même, les angles de prises de vue sont légèrement différents. C’est le négatif destiné à l'exportation qui était connu jusqu'en 2018 car après une restauration photochimique en 1995 il avait été édité sur DVD en version numérique retravaillée par la Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung en 2003. En 2018, c’est le négatif probablement destiné au marché allemand qui a fait l’objet d’une restauration numérique 4K par la Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung. Des scènes sélectionnées des deux films sont comparées par le biais d'un écran partagé : à gauche, le négatif d'exportation (restauration 1995/2003), à droite, le négatif de distribution allemand (restauration 2018). 

Image : copie HD, magnifique définition et piqué remarquable, texture argentique fine (tournage en 35 mm, Master Format 4K restauration de 2018), copie très propre compte tenu des sources (des rayures et autres défauts subsistent), belle gestion du contraste qui restitue bien les éclairages tranchés, noirs saturés, noir et blanc teinté avec un étalonnage  chaud subtilement nuancé, colorimétrie mesurée aux teintes franches et tons saturés sans excès 

Son : mixage musical 2.0 avec choix de trois accompagnements, excellente dynamique quelle que soit la version, bon équilibre instrumental, spatialisation frontale énergique 

Notre avis

Image : (4,5/5)
Mixages sonores : (4/5)
Bonus : (4/5)
Packaging : (3/5)

IMDb : https://www.imdb.com/title/tt0011237/

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