Mai Zetterling Le Cinéma suédois au féminin : 4 films d’une réalisatrice d’avant-garde (en Blu-ray)

Note artistique : 



(4/5)
Synopsis
Les Amoureux : Stockholm, 1914. Trois femmes sur le point d'accoucher se rendent à l'hôpital. De conditions sociales diverses, Agda, Adele et Angela se remémorent leur enfance, leurs amours déçus et leurs illusions perdues…
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Jeux de nuit : En compagnie de sa fiancée Mariana, Jan retourne dans le château où il a passé son enfance. Dans ces murs hantés par la présence de ses anciens occupants, les souvenirs ressurgissent, en particulier celui de sa mère Irene, belle femme fantasque et hédoniste que le jeune garçon vénérait…
Les Filles : Trois comédiennes, Liz, Marianne et Gunilla, partent en tournée pour jouer Lysistrata d'Aristophane. Presque deux mille ans séparent l'écriture de cette pièce de sa représentation en Suède. Pourtant, les trois interprètes trouvent en leurs personnages des échos troublants à leur propre vie…
Amorosa : Alors que le carnaval de Venise bat son plein, un couple de Suédois se rend à l'hôpital psychiatrique. La femme est sujette à de violentes crises et réclame son "enfant", un manuscrit que son mari garde précieusement. Il s'agit de l'écrivaine Agnes von Krusenstjerna et de son époux David Spengel, avec lequel elle entretient depuis des années une relation tumultueuse. Dans son dernier livre, la jeune femme a voulu régler ses comptes avec sa famille et le milieu aristocratique dont elle est issue…
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- LE COFFRET BLU-RAY
- Titre français : Les Amoureux - Jeux de nuit - Les Filles - Amorosa
- Titre original : Älskande par - Nattlek - Flickorna - Amorosa
- Support testé : Blu-ray
- Genre : comédie, drame, romance
- Année : 1964, 1966, 1968, 1986
- Réalisation : Mai Zetterling
- Casting : Harriet Andersson, Gunnel Lindblom, Gio Petré, Anita Björk, Ingrid Thulin, Keve Hjelm, Lena Brundin, Jörgen Lindström, Bibi Andersson, Gunnar Björnstrand, Erland Josephson, Frank Sundström, Åke Lindström, Stina Ekblad, Philip Zandén, Lena T. Hansson, Peter Schildt, Catherine de Seynes
- Durée : 1 h 58 mn 07 - 1 h 45 mn 22 - 1 h 40 mn 02 - 1 h 57 mn 22
- Format vidéo : 16/9
- Format ciné : 1,66/1 Noir et Blanc (1-3), Couleurs (4)
- Sous-titrage : français
- Pistes sonores : DTS-HD MA 1.0 monophonique suédois
- Bonus : Digipack avec le Blu-ray des films Les Amoureux et Jeux de nuit et le Blu-ray des films Les Filles et Amorosa - un Blu-ray de bonus - livret « Mai Zetterling : Histoire permanente des femmes cinéastes » adapté du catalogue du Festival Lumière 2022 (8 pages)
- Bonus en VOST sur le Blu-ray Les Amoureux et Jeux de nuit : bande annonce originale de Les Amoureux (2 mn 58) - bande annonce originale de Jeux de nuit (1 mn 15)
- Bonus en VOST sur le Blu-ray Les Filles et Amorosa: bande annonce originale de Amorosa" (2 mn 13)
- Bonus sur Blu-ray bonus : trois courts métrages rares ou inédits de Mai Zetterling : Le Jeu de la guerre (1962, VOST, 15 mn 16), Réalité fiction (1977, VO doublée, 49 mn 56) et Des phoques et des hommes (1981, VOST, 29 mn 36) - Trois actrices dans leurs rôles, documentaire de Christina Olofson (1996, VOST, 77 mn 15) - deux entretiens avec Mai Zetterling : Ciné 3 : Mai Zetterling à Paris (INA, 1975, VO doublée, 7 mn 13) et Rencontre avec Mai (1984, VOST, 10 mn 17) - bande annonce de la rétrospective Mai Zetterling, le cinéma suédois au féminin (VOST, 1 mn 49)
- Éditeur : Carlotta Films
Commentaire artistique
Avant de devenir à partir des années 60 une réalisatrice de renom, Mai Zetterling, disparue en 1994, fut une actrice qui tourna sous la direction de réalisateurs essentiellement britanniques (Basil Dearden, Michael Anderson, Guy Hamilton, Terence Young, Wolf Rilla, etc.) mais aussi de cinéastes réputés comme Ingmar Bergman en 1944 et Marc Allegret en 1951. Elle joua même dans une comédie hollywoodienne avec Dany Kaye (Un Grain de folie, 1954). Dès 1961, avec Lords of Little Egypt : Mai Zetterling Among the Gypsies elle passe derrière la caméra en réalisant pour la BBC plusieurs documentaires. C’est cependant en 1962, avec son court-métrage de fiction Le Jeu de la guerre (cf. bonus), Lion d’argent à Venise, dans lequel elle dénonçait toute forme de violence, qu’elle débute véritablement sa carrière de cinéaste activiste dont aucun des longs métrages qui suivirent ne peut laisser indifférent. On pourra en juger avec les quatre films splendidement restaurés réunis dans ce coffret qui selon la réalisatrice (cf. bonus), condamnée unanimement par les critiques masculins à leurs sorties, n’étaient pas spécialement des films « féministes » mais affirmaient cependant son désir d’artiste de créer des œuvres sur la place et la considération du statut féminin dans la société.
Son premier long métrage, Les Amoureux (1964), est adapté du roman fleuve « Les demoiselles von Pahlen » d’Agnes von Krusenstjerna publié entre 1930 et 1935. L’intrigue se déroule en 1914 et nous invite à découvrir, surtout en flashback, l’existence de trois femmes de classes sociales différentes sur le point d’accoucher. Ce choix narratif répond à la volonté de Mai Zetterling de donner enfin des rôles de cinéma de premier plan à des femmes. Sélectionné à Cannes, Les Amoureux choque le public et les critiques de l’époque qui ne perçoivent que très confusément le vrai sujet du film : le manque d’émancipation féminine à l’aube du 20e siècle dans une société formatée patriarcale fort bien symbolisée par le réac Dr. Lewin (Gunnar Björnstrand). Avec son casting, digne d’Ingmar Bergman, réunissant Harriet Andersson (Agda), Gunnel Lindblom (Adele), Gio Petré (Angela) et Anita Björk (Petra), Les Amoureux aborde crûment des thématiques féminines sensibles comme la sexualité, la religion et la famille.
Jeux de nuit (1964), son second long métrage, est, cette fois-ci, basé sur un scénario de Mai Zettterling, qui l’a écrit simultanément sous la forme d’un roman « Nattlek ». Le thème principal est l’amour accablant, quasi incestueux, d’Irène (Ingrid Thulin) pour son fils Jan (Keve Hjelm) qui se souvient de cette emprise en revenant dans le château familial avec sa fiancée Mariana (Lena Brundin) et qui finira par trouver une solution radicale pour démarrer sa vie d’adulte. Selon son auteur le scénario reprend les idées du roman mais en simplifiant le récit et en ne conservant pas tous les personnages. La réalisation méticuleuse (esthtique, montage, musique) de Jeux de nuit, tourné dans le château de Penningby (à 70 km de Stockholm), permettra d’évoquer les méandres psychologiques complexes du personnage par de savants sauts dans le temps et une caractérisation sans fard de la dépravation innée de cette caste de nantis en perdition. Exacerbées par la photographie expressionniste de Rune Ericson, les situations biscornues de ce drame œdipien font parfois penser à Federico Fellini. Interdit de projection en 1966 à la Mostra de Venise malgré sa sélection, le film, une fois encore, déchirera la critique comme le public. Bien sûr, malgré ses outrances, la thématique du film reste, in fine, celle d’un réquisitoire sans tabou contre les perversités d’une société sclérosée par son machisme.
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En 1968, Mai Zetterling dirige son meilleur film : Les Filles avec un casting bergmanien : les trois actrices (cf. bonus), en tournée pour jouer « Lysistrata », sont incarnées par Bibi Andersson (Liz), Harriet Andersson (Marianne) et Gunnel Lindblom (Gunilla) et Hugo, le metteur en scène machiste, par Gunnar Björnstrand. En choisissant la comédie d’Aristophane écrite en 411 av. J.-C., la réalisatrice était bien consciente de son potentiel féministe qui n’a pas pris une ride malgré les millénaires : l’argument de la guerre des sexes, et son lot de stéréotypes, vont se révéler toujours aussi pertinents dans la Suède des années 60. Le film démontre, avec une inspiration formelle inspirée des leçons de la Nouvelle Vague, la permanence des enjeux et les correspondances manifestes liant les actrices dans leur vie quotidienne à leur rôle dans la pièce. L’interprétation remarquable du trio, la singularité de la mise en scène, le brio du montage et la beauté de l’image de Rune Ericson hissent ce film, sur le thème de l’émancipation féminine, au rang de chef-d’œuvre.
Amorosa, tourné en Fujicolor en 1986, est un biopic et le dernier film de cinéma réalisé par Mai Zetterling. La cinéaste donne sa lecture de la vie de la romancière d’Agnes von Krusenstjerna (Stina Ekblad), dont elle avait adapté un ouvrage dans Les Amoureux (1964), et de ses relations toxiques avec son mari l’écrivain et critique David Sprengel (Erland Josephson). Les écrits d’Agnes von Krusenstjerna font faire scandale dans les années 30 car elle y traite de sujets clivant comme l’homosexualité et l’inceste et revendique une totale liberté féminine (légale et sexuelle) alors que, dépressive, elle cherchait à s’assumer pleinement contre toute autorité masculine. On comprend que ces combats aient fortement concernés Mai Zetterling qui brosse un portrait sensible et dérangeant de cette écrivaine avant-gardiste. Dans la ligné structurale de ses films précédents, Amorosa explique les évènements présents comme la succession de faits antérieurs et exploite habilement les facilités du langage cinématographiquement, notamment le flashback. Avec une vision très sombre de la folie mais esthétiquement superbe (Venise), Amorosa dresse un constat édifiant sur la trivialité d’une société archaïque dominée par les diktats paternalistes et par l’ambiguïté d’une morale masculine équivoque. Amorosa doit beaucoup de son intensité au jeu admirable de l’actrice Stina Ekblad aussi à l’aise à interpréter les jeunes filles frustrées que les jeunes femmes capable de dépasser tous les interdits tout en sombrant dans la démence. Cet ultime long métrage atteste que Mai Zetterling n’a jamais dévié de sa volonté à défendre l’émancipation féminine tout en assumant pleinement son désir de créativité. Une artiste décidément en avance sur son temps.
Commentaire technique
Films restaurés en numérique 2K par le Svenska Filminstitutet à partir des négatifs images 35 mm : en 2016 pour Les Filles, en 2018 pour Les Amoureux et en 2020 pour Jeux de nuit et Amorosa. La piste sonore de tous les films est monophonique, son optique 35 mm sauf Amorosa dont la piste sonore est 35 mm magnétique
Image : copies HD, superbe définition, piqué remarquable sur les détails et presque chirurgical sur les gros plans, textures argentiques fines et homogènes (tournage en 35 mm, Master Format 2K), images stables et nettoyées de tous leurs défauts, contraste magnifique avec des images très lumineuse, des blancs nuancés et des noirs profonds, gris bien étagés et harmonieux, étalonnage réaliste avec une colorimétrie nuancée aux teintes équilibrées et tons naturels (Amorosa)
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Son : mixages suédois 1.0 monophonique, voix claires sans distorsion, excellente dynamique sur les effets sonores (explosion dans Jeux de nuit) et sur les musiques de Roger Wallis, Jan Johansson, Georg Riedel et Michael Hurd, pas ou peu de souffle
Notre avis
Image : (5/5)
Mixages sonores : (4/5)
Bonus : (4/5)
Packaging : (3,5/5)
IMDb
Les Amoureux : https://www.imdb.com/fr/title/tt0058780/
Jeux de nuit : https://www.imdb.com/fr/title/tt0060740/
Les Filles : https://www.imdb.com/fr/title/tt0062981/
Amorosa : https://www.imdb.com/fr/title/tt0090637/
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