Théâtre 14 : Le Vicaire de Rolf Hochhuth
du 8 novembre au 31 décembre 2011
Traduit de l’allemand par F. Martin et J. Amsler (Editions du Seuil)
Adaptation et mise en scène : Jean-Paul Tribout
Assistant : Xavier Simonin
Décor et accessoires : Amélie Tribout
Costumes : Aurore Popineau
Lumières : Philippe Lacombe
Rétrospectivement, on ne peut que mesurer avec admiration le courage insensé dont a fait preuve Kurt Gerstein, membre du parti nazi, et engagé dans la SS, pour mieux lutter contre l’entreprise exterminatrice des nazis exercée à l’égard des Juifs. Il le paiera chèrement au prix de sa propre vie puisqu’il sera retrouvé pendu dans sa cellule à Paris en 1945.
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Rolf Hochhuth construit sa pièce Le Vicaire, à partir du rapport que Kurt Gerstein a fourni aux Alliés. L’extermination des Juifs d’Europe constitue donc bien le sujet de la pièce de Rolf Hochhuth, mais vue à travers les rapports du Saint-Siège et du Troisième Reich. L’attitude pour le moins ambigüe du Pape Pie XII est ici clairement démontrée, le désignant implicitement comme une sorte de complice passif des nazis. Seuls quelques prêtres iront jusqu’au sacrifice suprême pour s’opposer à la barbarie et Fontana, qu’interprète le metteur en scène Jean-Paul Tribout ,est un de ceux-là .Par contre, Le Cardinal (magistralement incarné par Claude Aufaure) est prêt aux pires concessions avec les nazis, ne revenant à des positions plus humanistes qu’une fois averti par Kurt Gerstein de l’énormité des crimes accomplis quotidiennement par les nazis à Auschwitz et dans tous les lieux d’extermination disséminés principalement dans la Pologne occupée. Si dans le film de Costa-Gavras, Amen, l’accent était davantage porté sur l’extermination des Juifs, la pièce de Rolf Hochhuth, va beaucoup plus loin sur les motivations profondes des personnages, en particulier sur Kurt Gerstein dont la détermination, le sang-froid, poussés jusqu’à l’extrême, nous impressionnent, nous subjuguent totalement. Au cours d’une des scènes cruciales de la pièce, est évoquée brièvement la défaite des nazis à Stalingrad. L’évènement ne suscite chez le Cardinal que la crainte de voir déferler sur l’Europe les troupes russes ! Pourtant c’est bien cette bataille perdue par les nazis qui sera le véritable tournant de la Seconde Guerre mondiale, n’empêchant pourtant nullement les nazis de mener jusqu’au bout l’anéantissement des Juifs d’Europe qui sera poursuivi avec la plus grande férocité. La mise en scène de Jean- Paul Tribout d’une grande sobriété, va droit au but, ne cherchant jamais à enjoliver la réalité des faits, cherchant au contraire à les montrer dans leur aspect le plus cruel, le plus abject. Sa direction d’acteurs en dit long sur ses convictions et sa compréhension de l’extraordinaire sacrifice de Kurt Gerstein accompli dans des conditions terribles, inhumaines, contre une force abominable, incarnant le Mal absolu. La diatribe du Vicaire (superbement campé par Emmanuel Dechartre) ne fait qu’aggraver la position du Vatican pendant la Seconde Guerre Mondiale. Un spectacle à recommander à tous les passionnés d’Histoire, même s’il ne s’agit que d’une fiction, car après tout nous ne sommes qu’au théâtre.