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Théâtre : Des arbres à abattre

bernhard-arbre-a-abattre

d’après le roman de Thomas Bernhard
un projet de Claude Duparfait et Célie Pauthe
adaptation et mise en scène Claude Duparfait
en collaboration avec Célie Pauthe
avec : Claude Duparfait, François Loriquet, Annie Mercier, Hélène Schwaller, Fred Ulysse et la participation d’Anne-Laure Tondu

LA SUITE APRÈS LA PUB

au Théâtre de la Colline
du 16 mai au 15 juin 2012
Petit Théâtre

Claude Duparfait et Célie Pauthe en adaptant pour la scène le roman Des Arbres à abattre réalisent ce qui d’emblée paraît impossible : transformer une œuvre romanesque en véritable pièce. Ils y parviennent grâce à un découpage qui renforce la cohérence du récit en scindant en deux parties presque égales ce qui désormais relève du théâtre et non plus de la pure littérature.

La première partie consiste donc en un très long monologue où Thomas Bernhard (campé magistralement par Claude Duparfait) se remémore avec une sorte de délectation morose ce qui l’a amené à accepter un dîner chez un couple viennois mondain dont le mari est une pâle copie du grand compositeur viennois Anton Webern. Au cours de ce soliloque extraordinaire, Thomas Bernhard va retourner et disséquer à l’infini ce qui l’a poussé à accepter l’invitation de ces deux représentants les plus affligeants et haïssables de cette « bonne société viennoise ». Il ne trouvera guère de réponse à ses vaines interrogations et c’est presque en catimini que se profile peu à peu l’intrusion sur la scène des personnages qui sont les protagonistes de ce fameux dîner. Une figure centrale va donc bientôt s’imposer : celle d’un grand acteur du Burg qui va sans aucune restriction se livrer à une délirante et hilarante tirade lui permettant de clamer haut et fort que sans lui le théâtre viennois ne serait que l’ombre de lui-même et que seul son génie saurait tirer de l’oubli Shakespeare ou tout autre dramaturge ! Autre sommet de la pièce une scène où « l’ombre » d’Anton Webern se met au piano, livrant à l’assistance conquise d’avance quelques bribes de sa dernière composition qui s’avère n’être qu’un simulacre parfait d’une œuvre d’Anton Webern. Tout semblerait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes mais le cours de ce dîner tend soudain à s’emballer car le vin blanc parvient peu à peu échauffer les esprits. Ce qui nous vaut consécutivement deux scènes particulièrement dramatiques : d’une part une scène où le compositeur soudainement frappé de folie invective toute l’assemblée s’en prenant aussi à sa propre épouse, et de l’autre celle où le comédien du Burg courroucé par l’interrogatoire insolent et quelque peu malveillant que lui a fait subir une des invitées, lui réplique vertement en la ridiculisant d’une façon excessivement violente, démesurée. Durant ce dîner qui peu à peu se rapproche de la catastrophe finale un nom est souvent évoqué. Il s’agit de celui de Joana qui s’est pendue et dont le fantôme vient lui aussi s’immiscer dans la trame de la pièce de manière obsédante, une figure évoquée dans le grand monologue du début de la pièce. Des Arbres à abattre nous mène au plus profond de la pensée de Thomas Bernhard en ne nous cachant rien de ses obsessions récurrentes : la haine totale de cette société viennoise repliée sur sa suffisance, ses préjugés d’un autre âge, sa bassesse, son orgueil et sa médiocrité. Bien sûr nous sommes à Vienne et la musique tient aussi dans cette pièce un rôle majeur puisque non seulement la figure d’Anton Webern y est présente mais également l’ombre immense de Mahler avec une brève évocation d’une de ses symphonies. Ravel apparait aussi avec son Boléro et son Concerto pour piano dont le compositeur post-webernien nous joue au piano quelques mesures du deuxième mouvement. Si du côté de la distribution nous avons relevé la splendide interprétation du monologue du début de la pièce par Claude Duparfait, il ne faudrait pas omettre la prestation de Fred Ulysse débitant de manière magistrale sa tirade de comédien exceptionnel du Burg ! Annie Mercier n’est pas en reste lorsqu’elle décoche ses critiques acerbes et meurtrières au « plus grand acteur du Burg » ! Quant à Hélène Schwaller qui joue le rôle de l’épouse du compositeur, son interprétation reste convaincante jusqu’à la fin de cette pièce explosive.
Au total un spectacle remarquable qui peut même séduire un public non nécessairement fasciné par les vertiges et excès de Thomas Bernhard !



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