Matin et Soir au Théâtre de la Tempête (Paris)
de Jon Fosse
texte français Terje Sinding
adaptation et mise en scène Jacques Lassalle
avec : Julien Bal, Cécile Bouillot, Grétel Delattre, Rodolfo De Souza, Jean-Claude Frissung, Agnès Galan
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du 11 septembre au 12 octobre 2014
Théâtre de la Tempête - Cartoucherie
Route du Champ –de-Manœuvre
75012 Paris
www.la-tempete.fr
Singulière pièce que ce Matin et Soir de Jon Fosse qui nous fait d’abord assister à un accouchement au terme duquel a lieu la naissance de Johannes, fils du pêcheur Olaï.
Par un raccourci que seul le cinéma ou le théâtre sont capables d’effectuer, nous retrouvons ce même Johannes 80 ans plus tard en 1980 alors que l’automne vient de s’installer en Norvège. Pour Johannes cette journée devrait être une journée comme les autres, ancrée dans la banalité et faite de menues tâches à accomplir. Pourtant la tartine du déjeuner matinal ne passe décidément pas et il a aussi l’impression que ses ongles ont tendance à bleuir...Ces petits détails vont bientôt s’accumuler : les connaissances que l’on se promettait de rencontrer ne donnent aucun signe de vie et tout semble bizarrement calme et désert. Tout le reste de l’étrange journée qui va se dérouler pour Johannes semble peu à peu s’enliser dans une sorte d’espace vide d’où vont émerger des amis disparus depuis longtemps et dont l’apparition suscite chez Johannes un trouble profond. Lorsque Johannes retrouve enfin un vieil ami Peter, le sentiment d’irréalité progressif auquel depuis le début de la journée Johannes est confronté va encore s’aggraver. En effet Peter semble évasif avec Johannes et les réponses aux questions de celui-ci demeurent énigmatiques. Plus Johannes progresse dans son univers familier plus il semble y perdre pied, piégé par un univers qui glisse insensiblement vers l’hypnotique, l’incertain et l’aléatoire. Arrivés à ce moment de la pièce, il faut bien admettre que par petites touches Jon Fosse a guidé les pas de Johannes vers le royaume des morts. Mais Johannes va lutter jusqu’au bout, tentant de se raccrocher à une réalité qui s’effiloche et lui file entre les doigts. Sur ce texte d’une grande limpidité, Jacques Lassalle qui est un adepte convaincu de l’œuvre de Jon Fosse dont il a déjà mis en scène plusieurs pièces nous propose une mise une mise en scène épurée et visionnaire. En effet, Jacques Lassalle choisit un rythme qui évite à la pièce d’aller se noyer dans les brumes des fjords norvégiens. Il tente et réussit à aller au plus profond de la personnalité et des motivations de chacun des personnages de la pièce sans jamais s’appesantir. Les personnages sortis de l’imaginaire de Jon Fosse pour exister vraiment ont besoin d’acteurs capables de les incarner sans ménager leur peine. C’est précisément ce que parvient à accomplir Jean-Claude Frissung qui a la redoutable responsabilité d’incarner Johannes le pêcheur. Une pièce de Jon Fosse ne repose par sur un seul personnage et Rodolfo De Souza qui tient le rôle de Peter mérite lui aussi tous les éloges ainsi que les autres comédiens Julien Bal, Cécile Bouillot, Grétel Delattre et Agnès Galan. Un spectacle exemplaire qui nous transporte dans un décor de fjords menaçants, majestueux, dans les méandres d’un voyage sidérant effectué dans les sombres étendues opaques du domaine infini de la mort. Ajoutons aussi que ce spectacle bénéficie de la très belle scénographie de Catherine Rankl et que les costumes très réussis sont de Renato Bianchi assisté de Juliette Azémar. La bande son, due à Arno Ledoux, Julien Bal et Jacques Lassalle, renforce encore l’impression de mystère que dégage ce spectacle.
texte de Michel Jakubowicz
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